Rencontres Mondiales du Logiciel Libre : Hommage à Simondon

(Ceci est une traduction de l’article publié par Thiago Novaes en brésilien.)

Du premier au 7 juillet 2017, se sont tenues à Saint-Étienne, en F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒, un édition de plus des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre, un événement qui réunit des chercheurs en technologies, les pouvoirs publics et des entreprises qui travaillent sur les possibilités ouvertes comme les usages ou le développement du logiciel libre.

Lors de cette édition, quelques présentations furent axées pour articuler la pensée de Simondon et le logiciel libre, notamment la recherche de Coline Ferrarato sur “Le mode d’existence du logiciel libre”. Dans son intervention, la parisienne se propose d’“expliquer que le logiciel participe d’une nouvelle forme de technicité, celle de la « technicité scripturale » - en explorant les liens problématiques qu’une telle technicité entretient avec la matérialité de l’ordinateur qui la supporte.” Cette nouvelle forme de technicité, selon Coline, “permet des nouvelles formes de collaboration autour du « bricolage » et de l’ouverture, propre au logiciel libre.”

Stéphane Couture, professeur à l’Université de York, à Toronto, Canada, travailla dans sa présentation “Le sens du code”, arguant à partir de Simondon, que “la machine n’est pas une unité absolue, mais constitue plutôt une association de plusieurs éléments que l’humain a pour rôle de mettre en relation les uns par rapport aux autres.” Prenant comme référence ses propres recherches des années précédantes, Stéphane conclua que de nombreuses personnes engagées dans le logiciel libre “entretiennent une relation avec le code source qui dépasse la dimension purement technique”, argumentant que “le code source est plutôt appréhendé dans sa dimension expressive, en tant qu’il est le lieu même de l’interaction et de la communication entre les membres d’une communauté.” Finalement, son objectif fut de relier les réflexions de Gilbert Simondon à une conception engagée du logiciel libre.

Le même jour que l’intervention du professeur Stéphane, je donnais ma propre conférence intitulée “La radio numérique et la communication autonome globale”. Arguant que la radio numérique n’est pas une évolution naturelle de la radio analogique, je recourus à la distinction faite par Simondon entre outil et instrument, insistant sur la pensée des réseaux techniques, et reliant ce concept à ce qu’aujourd’hui nous pouvons réaliser au-delà de la connexion à l’Internet, un réseau de communication de données sûr, autonome et à bas coût. Reprenant la célèbre lettre de Simondon à Derrida, j’abordai la techno-esthétique comme un passage sensible d’un modèle de progrès des objets fermés aux objets ouverts, et définis le logiciel libre comme un ensemble d’éléments où opère une technicité distincte de celle proposée par le logiciel propriétaire. Enfin, je tentai de marquer l’importance d’une continuité entre liberté d’expression et les moyens utilisés pour la réaliser, comme un couple humain-machine capable non-seulement de garantir un droit, mais de fournir un type de plaisir que nous nommons opportunément techno-esthétique.

L’événement compta entre autres des interventions de Yann Moulier Boutang, de Richard Stallman qui intitula sa conférence comme une provocation : “Le logiciel : ou ce que le programmeur doit savoir“. Mais les thèmes qui m’intéressèrent le plus furent portés par Heather Marsh, sur la nécessité de bases de données libres, et l’atelier de Natacha Roussel, avec sa perspective féministe de la quantification numérique des pratiques corporelles à partir des dispositifs mobiles.

Établies dans la ville natale de Simondon, les Rencontres furent amplement enregistrées en vidéo, et promettent de rendre disponibles les conférences pour la consulation en ligne. Saint-Étienne, reconnue comme cité du design, termine la semaine plus comme une capitale mondiale de la réflexion sur le numérique. Longue vie au logiciel libre !

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